MÉDITERRANÉE (MER)

MÉDITERRANÉE (MER)
MÉDITERRANÉE (MER)

Mer «située au milieu des terres», la Méditerranée est formée d’une série de bassins profonds enserrés par les chaînes alpines d’Europe, d’Asie Mineure et d’Afrique. Sa configuration, en particulier la plongée brutale de la plupart des côtes et la rareté des plateaux continentaux, résulte du jeu des failles qui la bordent et dont les plus anciennes datent de la «révolution pliocène». Depuis, l’alternance d’ouvertures et de fermetures des détroits qui la mettent en communication avec l’océan mondial, alternance résultant de sa fragmentation et des fluctuations glacio-eustatiques qu’elle a connues au Quaternaire, a favorisé le développement, à partir d’un peuplement principalement atlantique, d’une faune originale.

Du point de vue hydrologique, la Méditerranée est une mer continentale à bilan négatif: l’évaporation y est très supérieure aux précipitations et aux apports fluviaux. Les eaux méditerranéennes ont aussi une productivité inférieure à celle des eaux océaniques. Leur exploitation par la pêche et l’extraction du sel reposent sur d’antiques traditions, qui doivent évoluer vers des techniques plus modernes pour ne pas disparaître sous la pression de la concurrence industrielle et touristique.

Le contrôle de la navigation dans le bassin méditerranéen a été l’un des éléments qui ont le plus pesé dans le destin de nombreux empires. Les affrontements autour des richesses pétrolières du Moyen-Orient et du Sahara et le souci des grandes puissances de disposer d’une liberté de mouvements en Méditerranée expliquent l’intérêt porté aux transports maritimes et à l’organisation de grands complexes portuaires.

1. Exploration et connaissance scientifique

Dès la fin du XIXe siècle, des laboratoires scientifiques ont apporté des connaissances nouvelles aussi bien sur l’hydrologie que sur la biologie méditerranéenne, mais c’est seulement en 1908 que la première exploration d’ensemble a été réalisée par le Danois J. N. Nielsen, à bord du Thor .

Depuis 1923, la Commission internationale pour l’exploration scientifique de la mer Méditerranée s’efforce de rassembler et de publier les principaux résultats des travaux des divers laboratoires. D’autre part, en juillet 1952, la F.A.O. a créé un Conseil général des pêches pour la Méditerranée qui s’intéresse plus particulièrement aux problèmes de technologie et à la biologie appliquée.

Les nouvelles techniques de plongée libre en scaphandre autonome ont permis de mieux connaître les zones littorales et ont ouvert de nouvelles voies aussi bien à l’archéologie qu’à la biologie et aux activités sportives. La mise au point des bathyscaphes F.N.R.S. III et Trieste par Auguste Piccard a conduit à une nouvelle vision des grandes profondeurs, tandis que les soucoupes plongeantes du commandant Cousteau permettaient de prolonger l’exploration directe des régions littorales.

La Méditerranée est aussi devenue l’un des terrains de prédilection pour les recherches océanographiques consacrées à la mise au point de nouvelles formes d’exploration: les grandes universités y entretiennent de nombreux laboratoires, les instituts gouvernementaux de recherches appliquées y sont très actifs. Il s’ajoute à ces recherches, menées en permanence, de fréquentes croisières spécialisées qui peuvent inclure des participations internationales (Russes, Américains, Allemands, Scandinaves, notamment).

2. Bathymétrie et nomenclature des bassins et des reliefs

La Méditerranée a une superficie de 2 966 000 km2. Elle est divisée en deux bassins (fig. 1) par le seuil siculo-tunisien (140 km entre le cap Bon et Marsala; profondeurs ne dépassant pas 400 m). Ce cloisonnement entre l’est et l’ouest est accentué par les avances des plates-formes de Malte et de la Tunisie orientale.

Le bassin occidental ou Méditerranée occidentale (fig. 2) communique avec l’Atlantique par le détroit de Gibraltar (14 300 m dans la plus petite largeur; profondeur voisine de 100 m). La mer d’Alboran forme un couloir de transition (profondeur maximale: 1 500 m). La dorsale corso-sarde isole la mer Tyrrhénienne, parsemée de reliefs volcaniques et descendant à plus de 3 700 m. Ce bassin, fermé au nord par la plate-forme de l’archipel toscan, s’ouvre au sud sur le canal de Sardaigne. Au centre, le bassin dit «algéro-provençal» forme une plaine abyssale avec des fonds de 2 800 à 3 300 m, qui se prolonge au nord-est par la mer Ligure, et à l’ouest par un large couloir dans la mer Catalane, définie entre la plate-forme du golfe de Valence et le socle des Baléares.

Le bassin oriental ou Méditerranée orientale est composé de vastes cuvettes entre la plate-forme siculo-tunisienne et les côtes du Levant. On y distingue traditionnellement un bassin ionien à l’ouest et un bassin levantin à l’est, auquel s’ajoute une cuvette cyprosyrienne. Depuis 1960, diverses campagnes d’exploration ont fait ressortir à travers cet ensemble la présence d’une dorsale médiane est-méditerranéenne, s’étendant de l’Apulie à Chypre sur 1 900 km de long et plus de 200 km de large. Les profondeurs y sont généralement inférieure à 3 000 m, alors qu’elles atteignent plus de 4 000 m au sud de la Calabre, 5 131 m au sud-ouest du Péloponnèse et 4 482 m au sud de Rhodes. Cette disposition forme un arc bordant des fosses au nord. Au sud, la dorsale domine une plaine abyssale, envahie par le cône du Nil, qui s’étale sur plus de 100 000 km2.

La Méditerranée orientale se prolonge par la dépression de la mer Adriatique et par la cuvette d’effondrement récent de la mer Égée, morcelée par de nombreux fossés tectoniques encadrant les archipels. La communication avec la mer Noire se fait par les effondrements du Bosphore et des Dardanelles.

3. Géologie

Morphologie, structure, géophysique

Le trait le plus marquant de la géomorphologie de la mer Méditerranée est la brusque plongée des côtes vers les grands fonds de 2 500 à 5 000 mètres, disposés sous forme de plaines abyssales au centre des principaux bassins. Rares sont en effet les plateaux continentaux: parmi eux, celui du golfe du Lion, celui des Baléares entre cet archipel et la côte espagnole, celui de Tunisie-Sicile entre l’Italie et la Tunisie, celui des Cyclades, très accidenté, qui porte l’archipel du même nom et s’étend des côtes helléniques aux côtes turques.

Qu’il y ait un plateau continental ou que la plongée soit directe vers les plaines abyssales, le talus qui en résulte est entaillé par des canyons sous-marins, très étroits et de pente assez forte; tels sont, par exemple, les canyons des côtes françaises, qui furent parmi les premiers décrits, en particulier par Jacques Bourcart (fig. 3; cf. CANYONS SOUS-MARINS); mais il en existe partout le long des autres côtes.

Cette brusque plongée des côtes est due à des failles directes inclinées vers les profondeurs, failles qui paraissent récentes, certaines d’entre elles étant sismiques. Si on les a tout d’abord mises en évidence le long des côtes d’Afrique du Nord et autour du bassin ionien, ces failles ont été retrouvées partout, bordant directement la côte lorsqu’il n’y a pas de plateau continental ou bien limitant celui-ci. Dans ces failles paraissent prédominer deux familles, l’une nord-ouest - sud-est, l’autre nord-est - sud-ouest, responsables des principales directions de côtes observables en Méditerranée; les côtes italiennes sont significatives à cet égard, ou encore l’archipel des Cyclades, qui se dispose dans les mailles de ce réseau. L’orientation est-ouest existe également, par exemple le long de la Berbérie.

Si le continent, le plateau continental quand il existe et le talus appartiennent à la croûte continentale, le fond des grands bassins paraît être fait de croûte océanique, marquée par d’importantes anomalies gravimétriques; de nombreuses études sismiques ont aussi montré une importante remontée de la discontinuité de Mohorovi face="EU Caron" カi が coïncidant avec l’emplacement des grandes plaines abyssales (jusqu’à moins de 15 km entre Minorque et la Sardaigne). D’ailleurs, ces bassins montrent parfois des volcans sous-marins dont la forme conique, cernée d’une dépression annulaire, est celle des guyots (seamounts ) décrits dans les océans, notamment le Pacifique. Certains de ces appareils (par exemple, Alborán entre l’Andalousie et le Rif) émergent même. Les plaines abyssales méditerranéennes ont donc des caractères océaniques certains.

L’âge de ces fonds océaniques est variable. Ils sont le plus souvent récents, la Méditerranée, dans sa forme actuelle, étant née de mouvements néotectoniques à la limite du Miocène et du Pliocène, il y a environ 5 millions d’années. Tel est le cas, par exemple, de la mer Tyrrhénienne, ou plus encore de la fosse de Macédoine, dont le fond océanique paraît naître actuellement. Mais d’autres sont hérités d’époques plus anciennes, comme le bassin algéro-provençal – né il y a quelque 25 millions d’années de la rotation anti-horaire de l’ensemble corso-sarde –, voire la mer Ionienne et la mer de Libye, peut-être héritées de l’ancienne Téthys, océan aujourd’hui disparu qui séparait l’Eurasie des continents méridionaux dont l’Afrique, et qui achève peut-être de disparaître dans la subduction des arcs égéen et tyrrhénien (cf. aire MÉDITERRANÉENNE, TÉTHYS).

En effet, deux arcs insulaires sont encore actifs en Méditerranée, l’arc égéen et l’arc tyrrhénien [cf. ARCS INSULAIRES], l’un et l’autre caractérisés: en premier lieu, par des séismes intermédiaires dont les foyers se situent autour de 300 kilomètres de profondeur, ce qui autorise à y voir des plans de Wadati-Benioff plongeant sous la mer Égée et la mer Tyrrhénienne; en second lieu, par un volcanisme intermédiaire, celui des îles Lipari (avec le Stromboli et le Vulcano) en mer Tyrrhénienne et de l’arc allant de Méthana à Nísyros par Milo et Santorin (Thíra) dans la mer Égée (cf. MERS MARGINALES, fig. 11).

La sismicité de la Méditerranée se place dans l’optique d’un rapprochement encore actuel entre Afrique et Europe, en prolongement de la faille transformante des Açores (fig. 4). Au-delà, vers l’est, ce schéma se complique par l’individualisation d’une microplaque égéenne en marge de laquelle se trouve l’arc égéen, et d’une possible microplaque turque.

Les dépôts sédimentaires au fond de la Méditerranée

Sous les remplissages actuels ou subactuels, notamment au fond des plaines abyssales, existent des séries sédimentaires d’âge cénozoïque, pliocènes pour les plus récentes, miocènes, voire oligocènes ou davantage pour les plus anciennes. Ces dernières comportent un important niveau messinien de sel gemme et de gypse qui a donné naissance à de nombreux dômes de sel, reconnus dans la plus grande partie de la Méditerranée. D’un âge d’environ 5 millions d’années, ils marquent une crise essentielle dont est née la Méditerranée actuelle aux dépens de son cadre tectonique alpin (cf. aire MÉDITERRANÉENNE).

Sous le sel, il existe parfois d’autres dépôts, miocènes le plus souvent, quelquefois oligocènes comme dans le bassin algéro-provençal. D’autres, plus anciens encore, en mer Ionienne et en mer de Libye, sont peut-être des reliques des dépôts téthysiens.

C’est cependant l’évolution néogène et quaternaire qui caractérise fondamentalement la Méditerranée.

Évolution néogène (25 Ma-2 Ma)

L’actuelle Méditerranée résulte ainsi, comme l’a dit J. Bourcart, de la «révolution pliocène». Elle se superpose à une portion de l’ancienne Téthys, dont l’histoire s’est déroulée de la fin des temps paléozoïques jusqu’à l’Oligocène-Miocène, les paroxysmes orogéniques qui ont gravement modifié sa distribution se plaçant pendant l’Éocène et autour de la limite Oligo-Miocène.

La répartition des mers au Miocène inférieur (25 Ma), avant les paroxysmes affectant les zones les plus externes des orogènes, est très différente de l’actuelle; elle est en particulier beaucoup plus ample, allant de la Bavière à l’Atlas saharien. Dans la région où se faisait la liaison avec l’Atlantique, le détroit de Gibraltar n’existait pas encore: les eaux contournaient le nord de l’Andalousie (détroit nord-bétique) et le sud du Rif (détroit sud-rifain), soulignant ainsi les avant-fosses des chaînes de la Méditerranée longeant le front des chaînes alpines (cf. aire MÉDITERRANÉENNE).

Au Miocène supérieur (Antémessinien, 7 Ma), le dessin des rivages est extrêmement complexe, avec une multitude d’îles; la tranche d’eau est toujours très faible, avec bien souvent dépôt de calcarénites et de conglomérats traduisant l’incessant remodelage tectonique qui marque la fin de la paléogéographie alpine proprement dite.

À la fin du Miocène (Messinien, 6 Ma-5 Ma) s’amorce un changement fondamental: la Méditerranée, telle que nous la connaissons, commence à s’individualiser à la suite d’un affaissement généralisé qui dessine une vaste dépression fermée où stagnent des eaux saumâtres qui déposent le sel et le gypse d’âge messinien, dont l’épaisseur peut atteindre ou dépasser 1 000 mètres.

Rien n’indique mieux la «révolution pliocène» que le découpage, particulièrement dans les socles anciens (Maures, Corse, Roussillon, Rif interne, Kabylies...), de profondes vallées, certainement aériennes, que le flot pliocène envahit ensuite en rias, comblées progressivement par des vases bleues plus ou moins sableuses. C’est bien souvent un changement radical de paléogéographie, comme l’atteste, par exemple, l’histoire du littoral français de la Méditerranée. Au Miocène, la mer du sillon molassique péri-alpin vers laquelle se dirige le réseau hydrographique est au nord de la Provence. Au Pliocène, elle est au sud, dans sa position actuelle: un nouveau réseau hydrographique, dirigé vers le sud, entaille profondément la surface miocène; les canyons sous-marins, qui prolongent les fleuves et torrents côtiers, en sont la trace actuelle, tout comme les conglomérats des bassins côtiers («delta du Var», conglomérats de Roquebrune, de Menton, de Vintimille, etc.).

Évolution quaternaire (2 Ma-Actuel)

La hauteur d’affleurement du Pliocène marin, traduisant la montée maximale des mers de cette époque, varie considérablement suivant les régions, du fait de plissements, de basculements ou du jeu de failles ayant suivi ces dépôts: cas extrême, dans les zones externes de l’Apennin, de l’arc calabro-sicilien, de la Tunisie orientale, le Pliocène est impliqué dans de véritables chevauchements. Cette phase tectonique, postpliocène et antévillafranchienne, présente un caractère général.

On a désormais coutume de placer dans le Quaternaire les dépôts continentaux villafranchiens, souvent discordants sur le Pliocène bousculé, et, par voie de conséquence, le Calabrien, équivalent marin du Villafranchien (1,5 Ma). Il constitue le premier stade d’arrêt dans l’évolution tectonique de la Méditerranée quaternaire. Il est suivi par un certain nombre d’autres, généralement étagés de plus en plus bas et que l’on peut caractériser par des encoches, des perforations sur les côtes rocheuses, de véritables replats avec dépôts de plages et accumulations dunaires ailleurs. La nomenclature la plus ancienne du Quaternaire marin est fondée sur ces stades méditerranéens, que l’on a longtemps cru résulter exclusivement de mouvements de réajustement eustatiques liés à la formation et à la fusion des glaciers lors des alternances de périodes glaciaires et interglaciaires, et que l’on avait donc caractérisés par leur altitude relative. Ce sont principalement, de haut en bas: Calabrien, Sicilien, Milazzien, Tyrrhénien, Monastirien, Versilien (= Flandrien). On sait maintenant, par de nombreux exemples, que des mouvements tectoniques importants et jouant à des moments divers ont affecté ce Quaternaire, en particulier dans les localités «classiques» d’Italie. Un même niveau, caractérisé par sa faune, se trouve ainsi à des altitudes variables par rapport aux niveaux qui l’encadrent «stratigraphiquement» et par rapport à l’actuel zéro.

Il ne faut pas non plus oublier que des épisodes régressifs suivent les stades transgressifs, les «niveaux» ou «plages» correspondant seulement aux maximums de montée des eaux; dans les parties constamment immergées, des dépôts continuent à se former jusqu’au maximum de régression qui suit: ces dépôts sont à grouper logiquement, au point de vue de la nomenclature, avec les dépôts du maximum transgressif précédent.

La valeur des subdivisions du Quaternaire peut être discutée. Une tendance consiste à ne plus conserver que Calabrien et Sicilien à faunes «froides» avec Cyprina islandica , Tyrrhénien à faunes «chaudes» (Strombus ) et Versilien.

Une dernière grande régression, correspondant au maximum glaciaire würmien (75 000-20 000 ans), a amené la Méditerranée bien au-dessous du niveau actuel, autour de – 100 mètres. La transgression versilienne (= flandrienne) a suivi, en plusieurs stades: sauf cas particulier, elle n’a pu dépasser l’actuel niveau de la mer. Elle correspond à une arrivée de faunes atlantiques «celtiques» ou boréales, Cyprina en particulier, dites souvent «froides».

L’histoire quaternaire de la Méditerranée, qui associe l’effet des glaciations et de la tectonique alpine, est donc très complexe. Elle sert de cadre au développement humain sur tout le pourtour méditerranéen; Henry de Lumley en a donné une illustration précise pour ce qui concerne le littoral français. La découverte, en 1991, de la grotte Cosquer (27 000-18 000 ans), dont l’entrée est immergée profondément dans la calanque de Sormiou (Bouches-du-Rhône), se comprend aisément en tenant compte de la grande régression correspondant à la glaciation würmienne.

La sédimentation actuelle, hormis celle qui est d’origine biogénique sur le plateau continental, quand il existe, résulte des apports terrigènes des fleuves et torrents qui se jettent dans la Méditerranée. Certains forment des deltas importants (Èbre, Rhône, Pô, Nil); tous alimentent directement la sédimentation profonde par la voie des canyons sous-marins; de sorte que, au débouché de ceux-ci dans les plaines abyssales, se rencontrent des accumulations de conglomérats en forme de cônes de déjections sous-marins (deep-sea fans ; cf. DELTAS) qui viennent s’intercaler directement dans les vases bleues des profondeurs. Le raz-de-marée survenu à Nice le 16 octobre 1979 était dû à un vaste glissement sur la pente du delta sous-marin du Var (cf. CANYONS SOUS-MARINS, fig. 4).

La Méditerranée, fin du cycle alpin ou début d’un nouveau cycle?

Le réajustement fondamental dont naît la Méditerranée actuelle aux dépens de la Téthys à la limite Miocène-Pliocène est lié au nouveau système d’ouverture océanique amorcé dans le golfe d’Aden, se poursuivant dans la mer Rouge et, de là, en Méditerranée, où il reprend les zones océaniques reliques de la Téthys (mer du Levant, mer Ionienne) ou nées de la rotation de l’ensemble corso-sarde (bassin algéro-provençal). L’ensemble mer Rouge-Méditerranée, oblique par rapport aux chaînes alpines issues de la Téthys, annonce peut-être un nouveau cycle orogénique, tout comme l’ouverture de la Téthys au Permo-Trias annonçait le cycle alpin aux dépens des chaînes hercyniennes.

4. Hydrologie

Bilan

Les excédents d’entrée d’eau atlantique par le détroit de Gibraltar, et d’eau de la mer Noire, par la mer de Marmara, permettent de couvrir un déficit annuel d’une tranche d’eau d’environ 1 mètre.

L’arrivée d’eau moins salée et plus froide en surface est supérieure à la sortie d’eau plus salée et plus chaude en profondeur. Les estimations du volume et du pourcentage des échanges varient suivant les auteurs (cf. tableau). G. Schott (1928) concluait à un déficit de 2 416 km3 par an, nécessitant un bilan favorable à la Méditerranée de 70 000 m3/s à Gibraltar et de 6 500 m3/s au Bosphore; D. B. Carter (1956) pense que les échanges sont plus réduits et de nature différente.

Cette vue semble confirmée par H. Lacombe et C. Richez (1961); ramenant, à Gibraltar, la valeur moyenne des entrées d’eau à 1 000 000 m3/s et celle des sorties à 960 000 m3/s, soit un excédent de seulement 40 000 m3/s (1 257 km3).

À Gibraltar, le rapport des flux entrant et sortant doit rester de 100 à 96. En effet, la Méditerranée étant plus salée de 4 p. 100 que l’océan Atlantique, il faut que la sortie des eaux soit inférieures de 4 p. 100 à l’entrée pour assurer le maintien d’une salinité constante.

Masses d’eau et courants

Les échanges hydrologiques externes et les influences climatiques refroidissant les côtes nord et élevant la température et la salinité dans le bassin oriental différencient les masses d’eau.

En Méditerranée occidentale on distingue:

– l’eau atlantique , légère et mobile, entrant à Gibraltar et se tenant longtemps en surface (salinité 36,25 p. 1 000; température 13,5 0C);

– l’eau orientale intermédiaire , pénétrant par le détroit de Sicile (salinité 36,95 p. 1 000, température 14,39 0C);

– l’eau profonde d’origine septentrionale , formée par «cascading» hivernal, ayant une salinité stable à 38,40 p. 1 000 et une température inférieure à 13 0C.

Des eaux de mélange se constituent au contact de ces masses d’origines différentes, dont les caractères s’altèrent lentement par leur déplacement. Il s’y ajoute parfois des eaux superficielles d’origine continentale.

Le bassin oriental reçoit une grande partie des apports atlantiques, qui font sentir leur influence au sud, tandis qu’au nord ce sont les eaux de l’Adriatique et de la mer Noire qui apportent une modification sensible par suite de leur plus faible salinité.

L’hydrologie de l’Adriatique est bouleversée saisonnièrement par les déversements fluviaux qui peuvent faire tomber la salinité à 18 p. 1 000 au nord, 28 p. 1 000 au centre et 35 p. 1 000 au sud. Les eaux de la mer Noire, franchissant le Bosphore pour se déverser dans la mer Égée, ont une salinité voisine de 18 p. 1 000.

Les courants expriment l’intensité de ces échanges. En surface (fig. 5), ils ont une giration générale dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. À 500 m de profondeur (fig. 6), ils sont souvent inverses et ils soulignent les échanges entre les grandes masses d’eau. À grande profondeur (fig. 7), le cloisonnement des bassins entraîne un confinement qui n’est surmonté que par le «cascading» d’origine superficielle. C’est en Méditerranée occidentale que le système des courants atteint son plus grand développement (fig. 8).

Certains courants de marée peuvent aussi être importants, bien que les marnages soient généralement faibles (moins de 1 m) en Méditerranée. Cela provient essentiellement des différences d’heures de la marée en des points très proches, comme c’est le cas dans le détroit de Messine, entre la mer Tyrrhénienne et la mer Ionienne.

5. Biologie

Particulièrement pauvre en éléments nutritifs (notamment le phosphore), la Méditerranée a une productivité plus basse que celle des eaux océaniques. La croissance des organismes y est souvent ralentie et le cycle reproducteur moins actif. De plus, la biosphère y est menacée par des pollutions diverses, en progression constante depuis la dernière guerre mondiale.

Le peuplement est formé en majorité par des espèces entrées au Pliocène, en provenance de l’Atlantique. Ce fond du peuplement atlanto-méditerranéen a subi des modifications et des atteintes au Quaternaire, par suite des fluctuations hydrologiques consécutives aux alternances des phases de glaciation et de déglaciation.

Les endémiques sont des reliques de la faune d’affinité froide du Calabrien-Sicilien (mer à Cyprina islandica ). Ils se sont souvent maintenues en s’enfonçant vers les couches profondes. Dans les secteurs méridionaux subsistent des espèces d’affinité sénégalienne entrées au Tyrrhénien. Le renouvellement de la faune et l’introduction d’espèces nouvelles se font encore largement, soit par le détroit de Gibraltar, soit par le canal de Suez (transferts dits lessepsiens).

La mise en eau du barrage d’Assouan, en faisant disparaître le bouchon d’eau qui, lors des crues du Nil, bloquait l’entrée du canal a favorisé le passage en Méditerranée orientale de nombreuses espèces provenant de la mer Rouge.

L’influence des deltas s’étend à de larges franges lagunaires où se trouvent crustacés et poissons, se reproduisant en mer et venant se développer dans les milieux saumâtres (anguille, diverses espèces de muges, bar, daurade...).

Sur les plates-formes subcontinentales, la répartition et le groupement des espèces dépendent, jusque vers 120-150 m de profondeur, du biotope benthique. Tous les fonds littoraux sableux connaissent les concentrations saisonnières de céphalopodes (seiches, poulpes ordinaires et poulpes blancs) au printemps, de rougets (Mullus barbatus et Mullus surmuletus ) et pageaux (Pagellus erythrinus et Pagellus acarne ) en automne.

Sur les fonds vaso-sableux et vaseux de la plate-forme circa-littorale domine le capelan (Gadus capellanus ), associé au rouget de vase (Mullus barbatus ), au pageau gris (Pagellus acarne ) et au merlu juvénile (Merluccius merluccius ). On y trouve de nombreuses espèces de raies et de squales. C’est enfin l’habitat de la plupart des céphalopodes migrateurs.

Au-delà de 150 m de profondeur, ce sont les niveaux bathymétriques qui jouent le rôle essentiel.

Dans la zone de transition bathyale de 120 à 300 m, le merlu et les grondins sont abondants. Les espèces dominantes sont la mostelle (Phycis blennioides ), les argentines (Argentina sphyraena et Argentina leioglossa ), le petit merlan argenté (Gadiculus argenteus ), le gros-yeux (Chlorophtalmus agassizi ), le sébaste rose (Helicolenus dactylopterus ); le faux merlan (Gadus poutassou ) est représenté surtout par des individus de petite taille. Il y a aussi de nombreuses raies et squales.

Sur la pente bathyale, entre 300 et 500 m, les fonds de vase grise à Funiculina quadrangularis ont un peuplement de gros merlus, de mostelles, de sébastes roses. Le faux merlan domine. Il y a de nombreux crustacés, et l’on peut y trouver en abondance les langoustines (Nephrops norvegicus ). Les principales espèces de poissons non comestibles sont: Macruroplus serratus , Hymenocephalus italianus , Trachyrhynchus scabrus et Coelorhynchus coelorynchus .

De 500 à 1 000 m, sur les fonds de vase à Isidella elongata , on trouve les crevettes Aristeus antennatus et Aristeomorpha foliacea , la première semblant plus fréquente au-dessous de 650 m; la seconde, au contraire, se tenant de préférence au-dessus.

Le peuplement pélagique est tributaire des conditions hydrologiques influant sur l’abondance du plancton. En général, les eaux méditerranéennes ont une vie planctonique pauvre, marquée par l’abondance des espèces et le petit nombre des individus de chacune d’elles. Les eaux superficielles entrant par Gibraltar entraînent fort loin les espèces atlantiques.

Les espèces d’affinités froides (sprat, Clupea sprattus ) se tiennent sur les rives septentrionales, tandis que le peuplement tropical avance sur les rives méridionales (allache, Sardinella aurita , et sardinelle de Madère, Sardinella maderensis ).

Les influences des grands deltas et les effets de renouvellement des eaux par cascading hivernal ont un rôle important sur la vie pélagique. C’est pourquoi la retenue des eaux du Nil par le barrage d’Assouan est responsable d’un appauvrissement notable au large de l’Égypte.

Les petites espèces pélagiques (sardines et sardinelles, sprats, anchois, maquereaux...) n’effectuent que des migrations limitées et ont des déplacements surtout méridiens. En revanche, les bonites et surtout les thons et les espadons peuvent parcourir tout le bassin méditerranéen et avoir des relations avec l’Atlantique et la mer Noire. On connaît depuis longtemps l’importance des migrations du thon rouge (Thunnus thynnus ). Le problème du peuplement méditerranéen de thon blanc germon (Germo alalunga ) demeure incomplètement élucidé.

La Méditerranée a toujours un peuplement de mammifères marins important. Le phoque moine (Monachus monachus ), autrefois très abondant, ne subsiste plus qu’à quelques individus dans la mer Égée et sur les côtes du Maghreb. Le peuplement de dauphins comprend au moins huit espèces dont les plus abondantes sont le grand dauphin Tursiops transatus , le dauphin Stenella , le globicéphale noir et le Grampus (dauphin de Risso). En revanche, le dauphin commun et le marsouin commun ont connu de sensibles régressions. La Méditerranée occidentale a aussi un peuplement de cachalots (Physeter catodon ) mais surtout de rorquals communs (Balacnopters physalus ). Les pollutions et surtout les pêches aux filets dérivants pour les grands poissons pélagiques entraînent une régression sensible des peuplements naturels qu’il faut désormais strictement protéger pour en assurer la survie.

6. Activités économiques

Pêche

Les activités de pêche sont très diversifiées et reposent sur de longues traditions. Les poissons pélagiques migrateurs ont fourni de tout temps l’essentiel des prises. Les pièges fixes dits «madragues» pour la capture au harpon des thons et des bonites ont disparu des côtes françaises et ne gardent une certaine importance que dans les parages de Gibraltar et du Bosphore, et surtout dans le secteur du passage siculo-tunisien (Sardaigne-Sicile-Tunisie et Libye). Les sardines, sardinelles, maquereaux, anchois ont été longtemps pêchés à la dérive, au moyen de filets droits. Cette activité n’a pu se maintenir malgré des tentatives de modernisation, et les pêcheurs ont adopté le filet tournant et coulissant dit «lamparo», utilisé par de petites embarcations de 10 à 25 m. Les principaux secteurs de la pêche pélagique se trouvent sur les plates-formes subcontinentales à proximité des deltas (golfe du Lion, côte du Levant espagnol, haut Adriatique, plate-forme du Nil) ou bien dans les parages des détroits (mer d’Alboran, seuil siculo-tunisien, Bosphore).

L’exploitation de la faune benthique par les petits métiers (palangres, filets trémails, nasses et pièges, etc.) n’est plus qu’une survivance artisanale. Le chalutage s’est partout répandu avec des bâtiments de moins de 30 m. On enregistre partout une chute rapide des rendements due à la faiblesse et à la fragilité des peuplements benthiques. Pour compenser cette régression, le chalutage s’est orienté vers la zone bathyale pour exploiter les peuplements de crustacés et de gros poissons de qualité. La pêche des éponges et du corail, jadis très active, est devenue une activité très circonscrite.

À la pêche en mer s’ajoute une exploitation très active des lagunes, surtout dans le haut Adriatique, en Languedoc-Roussillon et en Égypte.

Élevages marins

Les huîtres plates, dites pied de cheval, ont plus ou moins fait l’objet de tentatives de culture avant 1940 sur les côtes du Languedoc et en mer Adriatique. Après 1950, les maladies ont décimé les peuplements indigènes et ont atteint ensuite les huîtres creuses portugaises apportées de l’Atlantique. C’est l’introduction massive des huîtres japonaises (Crassostrea gigas ) qui a permis, après 1965, de développer une ostréiculture performante, principalement dans l’étang de Thau et dans le haut Adriatique. La production reste limitée à quelques milliers de tonnes. Elle a été largement dépassée par la mytiliculture qui s’est répandue après 1960 sur les côtes du Languedoc et dans les baies de la mer Tyrrhénienne.

L’aquaculture marine de poissons s’est développée à la fois en Méditerranée nord-occidentale et en Méditerranée orientale grâce à la maîtrise de la reproduction des loups (bars) et des daurades après 1975.

Production du sel

De grands marais salants sont organisés sur les côtes à «lido» et près des grands deltas, car la topographie et la nature des sols y offrent des conditions favorables.

Leur production annuelle est en moyenne de 5 millions de tonnes. Elle peut subir des oscillations considérables d’une année à l’autre en fonction des pluies de fin d’été et d’automne. La production se partage essentiellement entre les complexes de dimensions industrielles installés en France (20 p. 100 à Salin-de-Giraud et à Aigues-Mortes), en Espagne (20 p. 100 à Torrevieja), en Italie (20 p. 100 en Sardaigne et dans les Pouilles), en Égypte (15 p. 100) et en Turquie (10 p. 100). Il existe encore sur tout le pourtour du bassin méditerranéen de petits marais salants exploités artisanalement.

Transports

Après avoir soutenu de nombreuses civilisation (Phéniciens et Carthaginois, Crétois et Grecs, Empire romain, thalassocraties médiévales génoise, vénitienne, catalane), les transports méditerranéens, écartés des grandes routes mondiales par les découvertes du XVe et du XVIe siècle (route des Indes par Le Cap et routes vers le Nouveau Monde), ont repris une importance mondiale après l’ouverture du canal de Suez en 1869, Suez a été valorisé par les exploitations pétrolières du golfe Persique. Mais les crises politiques (Première, Seconde Guerre mondiale, nationalisation du canal et, surtout, conflits israélo-arabes) peuvent y interrompre brutalement les échanges, qui sont passés de 22 Mt en 1946 à 74 Mt en 1950, 169 Mt en 1960, 242 Mt en 1966 et 347 Mt en 1987. L’activité des transports maritimes méditerranéens s’est maintenue à un haut niveau grâce aux exportations de pétrole des pays du Proche-Orient vers les pays consommateurs d’Europe. Pour ce qui est des ports, les tonnages importants sont le fait de ceux qui servent à l’évacuation des hydrocarbures. C’est le cas d’Arzew en Algérie (33 Mt en 1987) et des principaux ports libyens (environ le tiers des 280 millions de barils de brut exportés en 1987 l’ont été à destination de l’Italie ou de l’Espagne).

En dehors des produits pétroliers et des matières premières exportées, le trafic modeste de l’Afrique du Nord et du Levant reflète le niveau de l’activité économique locale. À l’ouest, les ports espagnols et français ainsi que les ports italiens et grecs ont pu développer leur trafic en combinant l’activité industrielle avec le transit des produits pétroliers vers l’intérieur. En 1987, Marseille et ses annexes ont connu un mouvement de 91 Mt de marchandises (71 p. 100 d’hydrocarbures). Si Gênes reste de loin le premier port italien, le trafic de Tarente a fortement augmenté au cours des vingt dernières années (15 Mt en 1969, 32,5 Mt en 1987) grâce à l’installation d’activités industrielles (sidérurgie, pétrochimie). Sur la côte adriatique, les principaux ports sont Venise (26 Mt) et Trieste (25 Mt). Cependant, de nombreuses grandes villes méditerranéennes n’avaient encore, en 1987, que des trafics portuaires relativement bas (Barcelone et Naples, 17 Mt; Athènes-Le Pirée, 8 Mt), tandis que des centres moins importants bénéficient d’activités nouvelles (Carthagène, 14 Mt; Tarragone, 24 Mt; Livourne, 13 Mt; Ravenne, 14 Mt).

Malgré tout, les transports maritimes et les activités portuaires de la Méditerranée restent à un niveau modeste par rapport aux façades littorales de la mer du Nord, du Nord-Est atlantique américain ou du Japon central.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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